dimanche 10 avril 2016

Angkor des temples !

Deuxième étape de notre vadrouille au Cambodge, nous arrivons à Siem Reap, petite ville ultra-touristique en pleine croissance, située à proximité des temples d'Angkor.

Entre le IXème et le XIIIème siècle, la zone abrite différentes capitales de l'empire Khmer qui est l'un des principaux royaumes de la péninsule indochinoise. Près de 200 vestiges de temples dispersés dans un rayon d'une trentaine de kilomètres témoignent de la grandeur de cet empire. L'empire Khmer connaît une grande opulence grâce à sa bonne maîtrise des techniques d'irrigation, qui autorisent jusqu'à trois récoltes de riz par an. Fortement influencés par l'Inde, les souverains Khmers commencent par édifier des temples dédiés à l'hindouisme, puis, en 1181, le roi Jayavarman VII établit le bouddhisme mahayana (la branche du Dalaï-lama), les temples sont monumentaux. Un petit retour à l'hindouisme puis le bouddhisme théravada (la branche du Sud-est asiatique et du Sri Lanka) s'impose et les constructions, souvent en bois, se font plus légères et ne résistent pas au temps. 

Le déclin de l'empire, apparemment lié à des problèmes environnementaux, au manque d'entretien des infrastructures hydrauliques, au passage de la peste noire, etc. marque la fin des grandes constructions. Lorsque Phnom-Penh devient la capitale, le site tombe peu à peu dans un relatif oubli et se retrouve envahi par la jungle. Les Français redécouvrent l'ensemble à la fin du XIXème siècle et les archéologues de l'Ecole Française d'Extrême Orient (les prédécesseurs de M. Javier) étudient le site, le protègent et mènent plusieurs campagnes de restauration. Les différents épisodes de l'histoire contemporaine, dont nous vous avons parlé dans le précédent article, interrompent ce travail, mais le site ne subit pas de destruction massive. 

Aujourd'hui, le site reçoit des millions de visiteurs par an et s'est transformé en grosse machine à cash tenue par l'un des plus grands oligarques Cambodgiens. Seuls quelques pourcents de la somme totale vont à la conservation du site, le reste est pompé et ne semble pas aller à la construction d'écoles... Du coup, de nombreux pays (France, Allemagne, Suisse, Japon, Chine...) financent la restauration et la préservation des temples. 

Les temples étant situés à une dizaine de kilomètres de Siem Reap, c'est la foire d'empoigne des tuk-tuks qui sautent sur chaque touriste pour qu'il monte dans le sien. Les prix étant élevés et n'ayant pas envie de nous retrouver soumis aux envies du chauffeur, nous décidons de nous balader en vélo. Il fait très chaud et les vélos cambodgiens sont de vieux clous mais c'est pas cher et tout le site est plat.

Nous partons donc de bonne heure le premier jour, arrivons sur le site mais, manque de bol, il faut acheter les billets sur une autre route, alors nous faisons 8 kilomètres de plus pour nous échauffer un peu mieux ! Munis du billet, nous commençons la visite par le Ta Prohm, un temple du bouddhisme mahayana, où les archéologues ont simplement stabilisé la situation et laissé la végétation qui le recouvre. Nonobstant les groupes de chinois qui nous poussent sans ménagement et nous intiment de dégager avec des "tss, tss dégage", pour se prendre en selfie tous les 3 mètres, l'endroit est superbe. Les racines des faux-fromagers enserrent d'énormes blocs de pierre ornés de bas-reliefs d'une belle finesse. 


Au Ta Prohm, la nature sublime les ruines

Après cette belle mise en bouche, nous continuons avec le Ta Keo, un temple-montagne dédié à l'hindouisme, tout en grès et latérite. La forme du temple, une plate-forme pyramidale à cinq niveaux est censée représenter le mont Meru, une montagne mythique où les hindous situent l'axe du monde et la demeure des dieux. Les escaliers particulièrement raides représenteraient la difficulté à atteindre ce lieu. En haut, pas de dieux en vue, juste des touristes !

Ta Keo


Nous nous faufilons ensuite à travers la jungle pour visiter le petit Ta Nei, un autre temple-montagne hindouiste, puis rejoignons le grand et magnifique Preah Khan. Il s'agit d'un temple de plain-pied, très étendu, dédié au bouddhisme mahayana. Il est midi et nous sommes quasiment seuls dans le temple, nous passons un bon moment à explorer les différentes cours et galeries et admirer les superbes ornementations. 


En route pour le Preah Khan
Les buffles se sont appropriés le baray envahi par la végétation
Le Preah Khan, l'un de nos temples préférés






Nous continuons en visitant le petit Neak Pean, un petit temple bouddhique situé au centre d'un baray asséché. Les barays sont des sortes de grands bassins qui servaient à gérer le système d'irrigation. L'érosion, accélérée par la déforestation, a contribuée à leur assèchement et au déclin de l'empire. Nous finissons la journée par le Ta Som, un petit temple bouddhique, et rentrons sur nos biclous grinçants avec une cinquantaine de kilomètres dans les jambes. 

Neak Pean
Ta Som

Sur le chemin nous goûtons le fruit de palme, gélatineux et insipide
Le lendemain, un peu crevés par la chaleur, nous nous reposons et profitons de la piscine de notre auberge, même si celle-ci est remplie de jeunes Hollandais qui passent leurs journées à descendre de la bière comme du petit lait. Nous passons aussi un bon moment à discuter avec Ryad, un Français très sympa, qui nous donne par la même occasion quelques bons plans pour Phnom Penh.

Deuxième jour de visite, nous sommes motivés pour aller voir le lever de soleil au dessus d'un beau temple. Nous partons donc à 4h30, à la frontale, sur des vélos encore plus pourris que l'avant-veille. Groui, groui, dans le grincement de la chaîne, nous arrivons au Phnom Bakheng, le premier temple-montagne construit sur le site. Vite, vite, nous montons au pas de course, le jour se lève... Mais finalement le soleil n'émerge de l'épaisse brume que bien plus tard, au dessus de la forêt et bien loin de tout temple, un lever de soleil tout ce qu'il y a de plus banal! C'est pas grave, nous sommes debouts et il y a plein de choses à voir. Nous commençons donc la visite par le Bayon, un très gros temple bouddhique, dont les murs sont ornés de quantité de superbes bas-reliefs. Sur les plus hauts murs, de grands visages du bodhisattva Avalokiteshwara sculptés dans la pierre contemplent les alentours.


Le Bayon 


Les bas-reliefs sont superbes de loin,
...et fourmillent encore plus de détails de près!
Nous essayons ensuite d'aller visiter le gros temple Baphuon, situé dans l'ancienne enceinte royale mais Stéphanie ne peut pas rentrer, beaucoup trop indécente avec son pantalon et son châle qui cache le peu d'épaule que son débardeur révélait... Nous nous agaçons un peu, parce qu'ici, il y a des règles pour protéger le site: ne pas toucher les bas-reliefs, ne pas grimper sur les murs ou statues, ne pas fumer, etc. Par contre, les Chinois s'en fichent totalement et font toutes les conneries, juste devant les gardes du site qui ne disent rien... Quand on leur fait remarquer que le contrôle des règles est à deux vitesses, la réponse est affligeante: oui, mais les Chinois payent pour le site ! Ah bon, alors nous aussi on paye donc on peut écrire sur les murs si on veut?... Des chefs-d'oeuvre piétinés par des hordes d'incultes avides de selfies devant chaque caillou; si le tourisme continue comme ça, nous ne donnons pas cher du site d'ici 20 ans. 

Le Baphuon de loin
Nous échappons ensuite à la foule en visitant des petits temples situés aux alentours, les jolis Phimeanakas, Preah Palilay, Preah Pithu.

Phimeanakas
Un très beau nâga à 7 têtes protège l'entrée du temple
Preah Palilay

Nous visitons les belles terrasses ornées de bas-reliefs, la terrasse des éléphants, ancienne zone d'apparat royal et la terrasse du roi lépreux, à la fonction plus mystérieuse. 


La terrasse des éléphants
La terrasse du roi lépreux
Et pour finir la journée, le clou du spectacle, Angkor Wat, LE temple... que nous n'avons pas trouvé si beau que ça ! Certes, ses dimensions sont impressionnantes, il s'en dégage une certaine harmonie et les galeries extérieures recèlent de superbes bas-reliefs mais, à l'intérieur, nous lui trouvons plutôt un petit air de bunker. Peut-être que la chaleur et la fréquentation touristique n'aident pas mais ce ne sera pas notre plus belle visite.








Angkor Wat
Le lendemain nous décidons de louer un scooter pour aller voir des temples plus lointains. Nous commençons par la zone de Rolûos, première capitale de l'Empire Khmer. Nous y visitons le temple Bakong, un temple-montagne dédié à Shiva, puis le Preah Kô, également Shivaïste et plus vieux temple de la zone d'Angkor, puis finissons par le Lolei, autre temple hindouiste. 

Le Bakong




Le Lolei est encore en ruines
Après une jolie balade dans la campagne cambodgienne, nous arrivons au temple Bantey Srei, un temple hindouiste, une petite merveille ! Construit en grès rose et latérite, ses décorations sont abondantes, d'une grande finesse et bien conservées. Pour la petite histoire, les responsables de l'Ecole Française d'Extrême Orient se sont rapidement intéressés à la préservation de ce temple, pourtant excentré, parce qu'en 1923, un certain André Malraux était venu piller des bas-reliefs pour les revendre à des collectionneurs... Il avait été arrêté, condamné mais a bien rebondi par la suite ! Nous nous contentons donc d'admirer et de repartir avec des photos. 

Le magnifique Bantey Srei



Ce démon nous rappelle le terrible dieu des Moches du Pérou, étrange similitude des peurs humaines



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