samedi 21 mai 2016

Snobisme en Mer Intérieure

Stéphanie ayant retrouvé une petite forme, nous décidons de quitter Osaka pour aller à la recherche d'un peu de campagne japonaise. Nous prenons le bus pour Takamatsu, une "petite" ville de 430 000 habitants située sur la côte nord de Shikoku. Évidemment, après une semaine de beau temps, il se met à pleuvoir ! D'échangeurs en ponts autoroutiers superposés, le bus traverse différentes villes collées les unes aux autres et toutes plus moches les unes que les autres.

Nous traversons l'île d'Awaji-shima puis le détroit de Naruto. Ce dernier est connu pour ses impressionnants tourbillons qui se forment lorsque la marée s'inverse. Nous avons de la chance, le bus passe sur le pont au bon moment. La mer offre un visage tourmenté et chaotique, parsemé de nombreux tourbillons plus ou moins grands.

Nous arrivons à Takamatsu sous la pluie, qui choisit pour nous l'ordre des activités: d'abord goûter les Sanuki udon, de grosses nouilles de blé assez fondantes de la province de Sanuki qui semblent particulièrement réputées, puis essayer de visiter le jardin Ritsurin si ça se calme. Suivant les conseils glanés à Osaka, nous atterrissons dans une espèce de cantine, apparemment réputée pour ses udons. Les Japonais sont moitié amusés, moitié stressés de nous voir débarquer. Tout est en japonais, même les chiffres, mais comme d'habitude, les gens sont adorables et nous nous retrouvons avec nos bols fumants assis à une grande table. Les udons sont très bonnes mais ça reste des grosses pâtes dans un bouillon, pas de quoi se relever la nuit non plus. Nos voisins de table nous regardent du coin de l'oeil, un peu gênés. Ils semblent avoir tellement peur de ne pas pouvoir soutenir une conversation qu'ils attendent le moment de partir pour devenir très chaleureux et nous glisser quelques mots en anglais ou en français. L'un d'eux, tout content, nous explique que 30 ans auparavant il avait fait le tour de la France sac au dos.



La pluie s'arrête enfin et nous partons visiter le Ritsurin-koen, l'un des plus vieux et beaux jardins du Japon. Il est classé 3 étoiles dans le guide vert de Michelin et ça, pour les Japonais, cela semble être la consécration! À l'opposé des jardins occidentaux plutôt conçus pour flatter les sens, les jardins japonais visent généralement à permettre une certaine paix intérieure. Les couleurs et arômes y sont donc distillés par petites touches. L'ensemble peut paraître un peu austère de prime abord, surtout sous le ciel gris, mais la grande harmonie des formes, des nuances de couleurs et les nombreux détails qui parsèment le jardin rendent la visite très agréable.








Le soir, nous logeons dans une petite pension dont le propriétaire a passé quatre ans à parcourir le monde. Il parle très bien anglais et nous passons la soirée à lui poser tout un tas de questions sur le Japon, le pauvre!

Le lendemain, nous décidons de nous rendre à Naoshima, une petite île de la Mer Intérieure dédiée à l'art contemporain, apparemment devenue une étape incontournable d'un voyage au Japon. Stéphanie, un peu plus ouverte d'esprit, a convaincu Nicolas d'y aller qui se retrouve donc à courir à 7 heures du matin pour attraper le ferry. 

Nous louons des vélos pour faire le tour de l'île. Des oeuvres d'art contemporain jalonnent l'île et ouvrent nos chacras... Nous arrivons au point d'orgue de la visite, le musée d'art Chichu. Après les chacras, nous ouvrons grand le portefeuille parce que l'entrée coûte un bras. Nous entrons dans le musée par des couloirs en béton, des ouvertures sont ménagées et donnent sur un parterre de prêles ou sur des pierres... Nicolas râle déjà bien ! Puis nous arrivons dans les salles qui abritent les oeuvres. Deux salles montrent des "oeuvres" de James Turrell, un type qui met des lampes dans des salles sombres, il y a pire. Arrive la fameuse salle abritant des nymphéas de Monet. Censée être conçue autour des oeuvres, spécialement pour elles, c'est une bête salle blanche carrée qui abrite trois nymphéas, pas forcément les plus chouettes... Puis nous admirons la dernière salle, où Walter de Maria a mis une grosse boule au milieu... Et c'est tout ! Stéphanie râle maintenant à plein ! Quand on lit les journaleux du Monde et autres magazines qui louent "une extravagante expérience d'immersion sensorielle" ou "l'éblouissement et le choc" lorsque l'on entre littéralement dans les nymphéas... on se dit que l'abus de substances étranges et de snobisme nuisent à la clarté de l'esprit.

L'architecte, M. Tadao Ando, loué par tout ce gratin mondain pour son musée qui "met en scène la relation entre l'homme et la nature", a simplement pastiché un bunker de la ligne Maginot. Quant à "bénir la générosité de mécène comme M. Fukutake",  nous trouvons que faire payer deux fois le tarif du Louvre pour trois concepts vaseux ça s'appelle, au mieux du business, au pire de l'arnaque ! La plupart de ces braves mécènes passent leur temps à éviter l'impôt puis se posent en sauveurs de l'art et du patrimoine et il faudrait les admirer?

Quelques photos de l'île, charmante, mais aucune du fameux musée, c'est interdit, il ne faudrait pas révéler la supercherie !




Tiens un jeu pour enfants !

Une oeuvre de Piotr, plombier polonais... 

Un parking de supermarché sans places?...

Non! Un autre chef d'oeuvre de Tadao Ando !

Une réinterrogation de la relation entre l'homme et les déchets? Puissant, captivant... 

Walter de Maria aurait-il été privé de bowling à l'adolescence ?

Un cache-pot de Niki de Saint Phalle !

Akena vérandas sponsoriserait un artiste ?

Yayoi Kusama attend encore que sa citrouille se change en carrosse 

Bon, c'est bien marrant tout ça mais on va plutôt se balader dans les villages !






Le soir, nous allons faire trempette dans un minuscule onsen très rustique, puis mangeons dans une cantine très locale. On se marre bien avec un vieux du coin qui baragouine anglais et se prend en photo avec nous pour... directement la mettre sur Facebook. Trop connectés les nippons !



Pour notre dernier jour à Takamatsu, nous décidons d'aller nous promener dans le village reconstitué de Shikoku-mura. Nous décidons d'y aller en vélo et rencontrons un grand serpent peu décidé à nous laisser passer, nous obligeant à faire un petit détour. D'anciens bâtiments de tous les coins de Shikoku ont été rassemblés pour être plus facilement préservés. De la ferme à la maison de gardien de phare, en passant par la fabrique de sauce soja, il y en a pour tous les goûts.


Un pont de lianes, typique du centre de Shikoku 


Maison de pêcheurs 





jeudi 19 mai 2016

Osaka laisse béton

Nous voilà au Japon! Nous atterrissons à Osaka et le changement est important après 3 mois et demi en Asie du Sud-Est.

Nous nous familiarisons avec les distributeurs de billets de métro, beaucoup de boutons mais finalement c'est assez simple. Il est près de minuit et, pour rejoindre notre auberge un peu excentrée, nous devons finir le trajet en taxi. Un vieux Japonais tiré à quatre épingles, avec gants blancs et cravate, descend d'une vieille Toyota crown rutilante et, avec moults marques de déférence, nous fait monter. Les sièges et appuis-tête sont recouverts de napperons en dentelle et aucune musique criarde ne nous assourdit... c'est sûr, nous avons changé de monde !

Nous arrivons alors dans une vieille maison, transformée en auberge de jeunesse par Tomo, un jeune très sympa. L'ambiance est chaleureuse et nous nous sentons tout de suite comme chez nous. Nous faisons la connaissance de Patrick et Suhee, un couple américano-corréen, qui a réalisé un film sur l'agriculture "naturelle" et vont visiter une ferme le lendemain. Alors, forcément, nous les accompagnons !

La nuit fut courte et nous devons courir dans les couloirs du métro d'Osaka pour réussir à prendre le train prévu. Grand honneur, le conducteur retarde le départ de près de 2 minutes pour nous permettre d'acheter nos billets. Sachant à quel point les Japonais sont des maniaques absolus de l'horaire, nous sommes très surpris ! Le train traverse l'immense conurbation d'Osaka et des villes alentours et n'arrivera jamais vraiment dans la campagne mais plutôt dans une sorte de zone périurbaine, où la ville est parsemée de quelques petits champs. C'est journée porte ouverte chez Yoshikazu Kawaguchi et une trentaine de personnes ont fait le déplacement. 

Masanobu Fukuoka, décédé depuis quelques années, a fondé l'agriculture "naturelle", une sorte d'agriculture biologique emprunte de philosophie à la japonaise. M. Kawaguchi fut l'un de ses disciples et est l'un des mentors actuels du mouvement au Japon. Nous partons donc visiter les "champs". Il fait beau et c'est bien agréable d'être au calme dans la nature en écoutant les Japonais discuter et s'écouter mutuellement avec respect.

La "ferme" s'apparente plutôt à du grand jardinage auto-suffisant. Le non-agir étant au centre du concept, beaucoup de choses poussent mais pas toujours les bonnes ! La plupart des Japonais présents sont des urbains très déconnectés de la nature et les questions et explications, que l'on nous traduit, sont souvent de niveau très débutant. Néanmoins, ça fait plaisir de voir tout ce petit monde s'intéresser à la nature et à la production agricole. 

Yoshikazu Kawaguchi 

Le semis de riz commence à sortir 

Impossible de récupérer ses notes, c'est du chinois japonais !

Connexion avec la nature !


Nous déjeunons tous ensemble dans la maison de Kawaguchi. Chacun a apporté son déjeuner, la plupart des trucs très sains dans une jolie boîte à bento en bois ou bambou. De notre côté, nous déballons les plats à emporter que nous avons rapidement achetés, emballés et suremballés de plastique... Le Japon part de très loin en matière d'écologie. Obsédés par la fraîcheur, la propreté et la présentation, ils emballent à qui mieux mieux.

Le lendemain, Stéphanie qui est malade depuis quelques jours, reste au lit, et Nicolas part se balader en ville pour faire les boutiques d'occasion photo. Le matériel photo neuf ne vaut pas le coup au Japon mais, les Japonais étant excessivement soigneux, c'est le paradis de l'occasion. La journée de Nicolas s'apparente donc à un jeu de piste dans la ville pour trouver les petites boutiques nichées à l'étage, en sous-sol ou au fond du dédale de galeries marchandes de la ville. Le soir venu, nous sommes devenus les heureux propriétaires d'un 60mm f2,4 macro !


Patrick et Suhee nous projettent leur film 

Stéphanie retrouve la forme petit à petit et nous nous baladons en ville. C'est très moche mais aussi complètement fascinant. Une jungle d'enseignes extravagantes habille les rues commerçantes et les galeries commerciales semblent s'étendre à l'infini. À croire que les Japonais ne font que du shopping en permanence. C'est un peu l'overdose pour nous, alors nous nous rabattons sur les spécialités culinaires. Nous essayons les takoyakis, des boulettes de pâte fourrées au poulpe ou les okonomiyakis, des sortes de crêpes-omelettes. Le soir, nous allons nous détendre dans le onsen du quartier, le bain thermal. Nous ressortons de là détendus et affamés. 

Et en plus, les pattes bougent !



Il y a des distributeurs de boissons à tous les coins de rue 


Des paquets cadeaux se promènent dans le métro

Takoyakis, ceux-ci n'étaient pas excellents 

Pour notre avant-dernier jour à Osaka, nous allons nous balader sur la petite île de Nakanoshima. Située sur la rivière Ô-kawa, elle offre un petit peu de verdure au milieu de l'océan de béton. Et, comme c'est le 4 mai, nous fêtons nos un an de voyage et allons manger dans un kaiten-sushi. Inventés à Osaka, ce sont des restaurants à sushi où les chefs déposent les assiettes sur un tapis roulant. Un code couleur permet d'en connaître le prix. Placés devant les chefs, nous avons une bonne vue sur les plats les plus frais et passons un bon moment. Pour couronner le tout, nous tombons par hasard sur une boutique Dalloyau et nous offrons une glace délicieuse ! Ah le savoir-faire français !

Oh de la verdure !

 Attention à l'excès de verdure, ouf du béton !



Un an de voyage !


Quartier de Dotonburi




Puis nous finissons en allant nous promener autour du château d'Osaka, dont les murailles d'enceinte sont impressionnantes alors que le donjon reconstruit en béton en 1931 ne nous donne pas envie de payer l'entrée pour le visiter. Nous faisons un tour dans le quartier de Tennoji,
plus populaire, où l'on trouve de nombreuses salles de Pachinko. C'est une sorte d'hybride flipper/machine à sous, que l'on trouve dans de grandes salles violemment éclairées où l'on passe de la "musique" assourdissante et qui passionne une bonne partie des Japonais. Il y aurait près de 12000 salles de ce genre au Japon, la plupart enrichissant la mafia locale. Chacun son addiction, nous conserverons la nôtre, au fromage ! Après une dernière soirée sympa à l'auberge, nous partons plus à l'ouest. 




 Le donjon reconstruit en béton 



Salle de pachinko, oh chance, vous n'avez ni le son, ni l'odeur de clope !