jeudi 21 avril 2016

On s'est fait Huê !

Pour commencer, un peu d'histoire...

Pendant très longtemps, l'histoire du Viêtnam et celle de la Chine ont été très liées. Occupant le sud de la Chine, les Viêts alors appelés Yué ont dû s'exiler toujours plus au sud au gré des appétits chinois pour finalement voir leur territoire devenir une province chinoise pendant dix siècle, depuis notre ère. L'occupation chinoise est alors mal vécue, les révoltes se multiplient mais les Chinois influencent énormément la culture Viêt en apportant la technique (l'araire en métal, l'élevage du porc, le tissage de la soie...), les idéogrammes, les traditions littéraires, l'administration et en influençant considérablement leur art et leur univers moral avec le confucianisme et le taoisme.

Jusqu'au jour où la dynastie chinoise Tang s'effondre, un Viêt du nom de Ngô Quyên en profite alors pour libérer le pays du joug chinois. En 939, il devient le premier empereur Viêt. Les dynasties se succèdent dès lors et ont à batailler ferme avec d'autres peuples comme les Cham, les Thaïs, les Mongols ou encore les Chinois, qui persévèrent. Les Viêts tiennent bon et, partant du fleuve Rouge, annexent peu à peu les territoires du sud. Mais patratas, en 1407, les empereurs chinois Ming mettent à nouveau le grappin sur le Viêtnam. C'est la goutte d'eau qui fait déborder le vase, les Viêts lettrés prennent le maquis et organisent une guérilla contre l'occupant (c'est un peu l'histoire de leur vie d'ailleurs...). Avec à leur tête, un certain Lê Loi, ils vont mettre les Chinois K.O. Ce Lê Loi devient roi en 1428 et appelle son royaume, le Dai Viêt, le Grand Viet. S'ensuivent à la fois des périodes d'annexion - le royaume Cham et les provinces Khmers du Mékong sont intégrés formant ainsi le territoire actuel - et de guerres entre seigneurs. A la fin, le prince Nguyên Ánh se fait proclamer en 1802 empereur de tout le Viêtnam à Huê, qui devient alors la nouvelle capitale... nous y arrivons!

Nguyen Ánh devenu l'empereur Gia Long est arrivé au pouvoir avec l'aide des Français. Plus tard, la persécution des prêtres français constitue le mobile parfait pour les Français désireux d'envahir le Viêtnam pour mieux contrecarrer les Britanniques déjà installés en Birmanie et qui lorgnent eux aussi sur les richesses de la Chine. Après, nous connaissons la suite, le régime colonial est instauré, le Viêtnam disparaît des cartes au profit de trois provinces, la Cochinchine, l'Annam et le Tonkin, pour mieux intégrer ce grand ensemble qu'est l'Indochine française. Huê devient une capitale d'opérette, les Français dirigeant le pays depuis Hanoï. Devenue docile, la dynastie Nguyên s'éteint en 1955 quand l'empereur Bao Dai est déposé par le président Diêm de la République du Viêtnam tout juste issue des accords de Genève. Au total, la dynastie Nguyên a connu treize empereurs.

Huê se situe au centre du Viêtnam et s'étend au bord d'une rivière portant le nom poétique de la rivière des Parfums, ainsi nommée en raison des herbes médicinales (et parfumées) qui poussaient jadis sur ses rives. Sa citadelle et les grands tombeaux impériaux  disséminés dans la campagne avoisinante ont valu à la ville d'être inscrite au Patrimoine mondial de l'Unesco.

La cité inspirée de la Cité interdite de Pékin fut construite à partir de 1805 par Gia Long, le fondateur de la dynastie. La construction des principaux bâtiments s'est faite en moins d'un siècle. La main d'oeuvre et les matériaux de tout le pays ont été mobilisés pour la construction de cette nouvelle capitale, de nombreux palais de Hanoï sont même détruits pour fournir des pierres. Huê a été construite selon les principes de la géomancie ou feng shui, pour la faire courte. Ainsi, les pagodes, palais et autres bâtiments s'élèvent à des endroits précis, articulant astrologie, légendes, traditions religieuses, orientations géographiques et tout le toutim! La ville comprend en outre trois enceintes concentriques, celle de la citadelle, de la cité et enfin de la Cité pourpre interdite, autour d'un axe nord-sud perpendiculaire à la rivière et face à une colline sacrée, que nous n'avons d'ailleurs pas vue, le mont de l'Écran royal.

La cité est très grande, pas moins de 4 heures nous ont été nécessaires pour en faire le tour. Elle a été en partie restaurée après l'offensive très destructrice du Têt mais le manque d'archives photographiques rend la reconstruction de certains édifices difficile. Quoiqu'il en soit, le résultat est vraiment pas mal.

Il faisait tellement chaud que nous avons visité le site en fin de journée et en deux fois.

Un MIG-21, rien à voir mais il se trouvait sur notre chemin!
La porte du Midi, l'entrée principale de la cité impériale 
Le palais de l'Harmonie suprême avec à l'intérieur la salle du trône 

Des galeries reconstruites de la Cité pourpre interdite à laquelle seuls l'empereur, sa famille, ses nombreuses femmes et leurs eunuques pouvaient y accéder. Aujourd'hui, il n'en reste pas grand-chose.
Le théâtre 

La porte de l'Humanité, située à l'est de la cité et réservée aux mandarins


Dans l'une des maisons mandarinales

Les belles tuiles vernissées des édifices 



Dans le palais de la Reine-Mère qui comprenait à l'origine une dizaine de bâtiments. Ici, le pavillon Truòng Du


Le pavillon de la Splendeur du temple du culte des empereurs Nguyên (que nous n'avons malheureusement pas pris en photo, faute de lumière). Devant, neuf urnes dynastiques, chacune dediée à un empereur et pesant environ 2 tonnes

Le billet d'entrée de la cité (beaucoup plus cher que pour visiter Versailles, les Viêtnamiens se font sacrément plaisir!) comprenait la visite de deux tombeaux impériaux, celui de Minh Mang et de Khai Dinh, dernier tombeau à avoir été construit. Chaque tombeau en tant que tel n'occupe qu'une petite partie d'un mausolée qui porte un nom trompeur. En effet, ce mausolée servait également de résidence de campagne du vivant de l'empeteur.

Fidèles à notre petite habitude, nous avons loué une petite moto. En sillonnant les rizières et collines, nous ruisselons de sueur, la chaleur est insoutenable!

La rivière des Parfums 
Un gigantesque cimetière 
Sur notre chemin, nous trouvons plein de petits tombeaux... apparemment, ce sont les tombeaux des nombreux descendants des empereurs. Le record est détenu par Minh Mang qui a eu plus de 140 enfants!
Le pavillon de la stèle du tombeau de Minh Mang. Avant d'atteindre le tombeau, nous passons par une succession d'édifices et de cours dans un cadre bucolique.
La porte de la Vertu éclairée
Vue depuis le temple du Culte du roi. Ici apparaît le pavillon de la Lumière 
Vue depuis le pavillon de la Lumière. Tout au fond, le tombeau qui se trouve sur une butte inacessible. 
L'entrée du tombeau de Khai Dinh
Le tombeau aux diverses influencés artistiques... pour ne pas dire kitsch. Il faut préciser que Khai Dinh n'était pas aimé du peuple: mégalo, il a augmenté de 30% les impôts pour financer la construction de son tombeau.
La pièce du tombeau, attention festival de mosaïques!
La tour octogonale de la pagode de la Dame céleste, cette dernière n'a rien de particulier, elle se trouvait juste sur notre route

En bonus, quelques photos prises sur la route entre Hôi An et Huê: 




mercredi 20 avril 2016

Hôi An, parce qu'elle le vaut bien!

Hôi An est une jolie ville longeant la rivière Thu Bon qui se jette quelques kilomètres plus loin dans la mer de l'Est (les Viêtnamiens refusent de l'appeler mer de Chine méridionale du fait de disputes frontalières concernant les archipels Paracel et Spratleys qui sont convoités par la Chine). Elle est un exemple bien préservé des petits ports situés sur les routes maritimes du commerce de la soie et qui ont, entre le XVe et le XIXè siècle, reçu des bateaux du monde entier. 
 
Lorsque la dynastie Ming a été renversée par les Mandchous au XVIIème siècle, de nombreux mandarins, nobles et commerçants chinois, fidèles aux Ming, sont venus se réfugier à Hôi An. Une communauté japonnaise s'y est également installée. Est alors né un art sino-japonnais qui se retrouve dans les belles maisons en bois construites par les riches marchands. S'ajoutera plus tard, le style colonial français.

Trop éloignée de la mer, le port s'est peu à peu ensablé et le trafic s'est alors détourné du port d'Hôi An pour celui de Da Nang, situé plus au nord. Ce déclin a finalement été le salut de la ville puisqu'elle a empêché les bateaux américains de s'y aventurer pendant la guerre, sauvant ainsi tous ses trésors du passé. 

Ce vestige unique d'une architecture traditionnelle issue d'un mélange de cultures a été classé en 1999 au patrimoine mondial de l'Unesco.

Malgré son côté très touristique, nous avons été charmés par Hôi An. Pourquoi? Pour toutes ces raisons...

Son beau marché grouillant de chapeaux coniques






Ses rues et ses quais qui invitent à la flânerie



Les deux-roues, le calvaire du piéton! Heureusement, quelques rues leur sont interdites



La balade en cyclo-pousse est très appréciée des touristes viêtnamiens, qui se sont d'ailleurs révélés tout aussi charmants que leurs homologues chinois

La découverte de sa gastronomie locale (nous en faisons quand même assez vite le tour)

Brochettes de porc et de poulet, crêpes banh xeo, nems, légumes, sauce à la cacahuètes... n'en jetez plus!

Le Cao Lâu, un plat de nouilles épaisses cuites avec des herbes, des pousses de soja, des morceaux de porc, des espèces de croquettes. Les nouilles sont en fait fabriquées à partir d'une pâte de riz macérée dans l'eau dite de cendre soit une eau bouillie trois fois en utilisant le bois des arbres de l'île de Cham, située au large de Hôi An... ce qui en fait en théorie un plat très très local! En tout cas, c'est bon!

Petite nature morte: pitaya, annone, fruit de la passion et ramboutans

La visite de ces monuments historiques, même si le pass est un peu cher payé...

Le temple Phúc Kiên dédié à Thiên Hâu, la déesse de la mer

De grandes spirales d'encens avec leurs voeux 


L'autel des ancêtres de la maison-chapelle de la famille Trân 


Sur cette table, un bol avec des pièces qui permettent de savoir si nos voeux se réaliseront

Les génies protecteurs de la maison Phùng Hung

Les très belles incrustations de nacre de la maison Tân Ký. L'architecture de cette maison du début du XIXe révèle une belle harmonie des arts viêtnamiens, chinois et japonais. Les Chinois ont donné l'atrium, les Japonais le toît à quatre pans et les Viêtnamiens le reste.

Son marché de nuit et ses lampions de toutes les couleurs

Le pont japonais sous un éclairage des plus sobres...




Non, non, nous ne sommes pas dans un petit port du sud de la France

La photo est floue mais vaut son petit pesant de cacahuètes. Nicolas s'essaye à un jeu qui consiste à casser une cruche les yeux cachés par un masque. Arrivera, arrivera pas?... Arrivera pas!

Hôi An est aussi réputée pour ses nombreux tailleurs qui vous confectionnent des vêtements sur-mesure dans un délai record et à des prix intéressants. Habillés avec les mêmes vêtements pratiques mais bien peu glamours depuis bientôt un an, nous n'avons pas pu résister aux sirènes de la mode! Nicolas a ainsi craqué pour un costume bleu bien coupé et Stéphanie pour des chaussures qui sont devenues, par on ne sait quel miracle, des bottines! Là, le cahier des charges n'a pas vraiment été respecté, nous ne sommes pas à Milan non plus... mais finalement, le résultat est assez chouette!


Partout des boutiques de tailleurs, avec en général des vendeuses qui vous aggrippent au passage!

Les alentours de Hôi An sont aussi très beaux. Nous en avons donc profité pour y faire une balade à vélo. 

Pour ce faire, nous n'avons eu qu'à suivre les bons conseils de Français croisés à Hôi An. Le premier fut celui de Pierre, un étudiant originaire de la région de Cognac, avec la visite des jardins maraîchers du village de Tra Que. Ici, les agriculteurs n'utiliseraient pas de pesticides mais seulement des engrais naturels et notamment une algue d'eau douce qu'ils vont récolter eux-mêmes sur leur barque... du bio non certifié en somme! Les jardins sont bien tenus, les planches sont tirées au cordeau. Une vingtaine de types de légumes et d'herbes aromatiques (salade, brocoli, menthe, coriandre, basilic...) y sont ainsi cultivés et essentiellement vendus aux meilleurs restaurants d'Hôi An.





Le viêtnamien Chuck Norris!
L'arroseur automatique remplace peu à peu l'arrosage ancestral à deux arrosoirs au bout d'une perche en bois porté sur les épaules... nous n'avons pas essayé mais il faut certainement de la technique!




Le second fut donné par le seul glacier d'Hôi An, un Normand d'une cinquantaine d'années qui a tout quitté avec sa femme pour rejoindre leurs fils installés au Viêtnam. Il s'agissait d'une jolie plage peu fréquentée par les touristes, et pour cause, son nom était "hidden beach". L'occasion de prendre un bain très rafraîchissant! Chez ce glacier, nous y avons aussi fait la connaissance de Julie et Romain d'Annecy, assez tentés par notre expérience de voyage au long cours alors peut-être qu'un jour...

Avant de rejoindre cette plage cachée, nous traversons des rizières



Ici, de drôles de bateaux ronds, appelés bateaux paniers, servant à la pêche côtière