dimanche 28 août 2016

Hongrois zouvent que z'est un plat pays mais z'est pas zi vrai

Nous poursuivons la remontée du Danube et arrivons donc en Croatie. Nous traversons un plateau de champs de maïs entaillé de petites vallées aux pentes bien abruptes qui nous font bien suer. Les villages traversés portent encore quelques stigmates de la guerre des années 1990 mais c'est surtout en arrivant à Vukovar que l'on trouve des maisons criblées d'impacts de balles. Le château d'eau en ruines mais toujours debout est devenu une sorte de symbole de la ville, dont les Croates semblent très fiers. Nous faisons quelques rencontres sympathiques avec deux vieux Croates qui nous donnent leur vision des événements et de la vie d'aujourd'hui. Le ressentiment vis-à-vis des Serbes est encore assez présent et les minorités serbes vivant en Croatie semblent en payer un peu le prix. Difficile de se faire un avis sur les guerres de Yougoslavie avec le peu d'informations glanées ça et là, si ce n'est que quand les réactionnaires arrivent au pouvoir, c'est mal parti pour tout le monde ! Par contre, le capitalisme débridé produit les mêmes effets que de l'autre côté de la frontière: les villes et villages de la région meurent à petit feu, vidés de leurs habitants partis en quête de plus d'argent. Les seuls qui sont restés et qui continuent à bien nous casser les pieds, ce sont les moustiques!


Le fameux château d'eau de Vukovar 

La pause à Osijek 

Mieux vaut rester sur les chemins, il reste des milliers de mines et il faudra encore des dizaines d'années pour finir le déminage... Si l'austérité financière ne coupe pas les financements. 

Le lendemain, ne faisant que traverser un petit bout de la Croatie, nous sommes déjà à la frontière hongroise. Le gouvernement d'extrême-droite a érigé une grande clôture tout le long de la frontière et l'accueil des douaniers est glacial... Bienvenue ! Nous campons dans une prairie envahie de milliers de moustiques et Stéphanie inaugure une nouvelle tenue pour résister aux attaques: le moustikini, une tenue 0% religieuse mais 100% hilarante !



Quittant les bords du Danube pour couper directement à travers l'ouest du pays, nous traversons une campagne légèrement vallonnée où les vignes s'accrochent aux côteaux et les éternels champs de maïs tapissent tout le reste. Les Hongrois de la campagne se montrent particulièrement froids, personne ne nous répond et beaucoup détournent même la tête quand nous leur disons bonjour... ce sera une constante tout le long de notre traversée de la campagne hongroise ! Pour ajouter à l'ambiance, chaque village, même le plus petit et le plus pauvre, est doté de caméras de vidéosurveillance. À l'extrême droite, on a toujours le sens des priorités ! Nous faisons une halte à Pécs, une très jolie ville adossée à une colline où les beaux bâtiments de l'époque austro-hongroise jouxtent quelques restes ottomans.



Vignobles de Villány


Ah ben on se sent bien en sécurité !

Les Hongrois sont trapus et très costauds!

L'ancienne mosquée de Pécs, reconvertie en église puis en musée 




Motivés par la perspective d'une bonne trempette dans le lac Balaton, nous mettons le turbo pour y arriver rapidement et en profiter. C'était sans compter la météo qui décide de passer au vent et à la pluie battante. Après 95 kilomètres, c'est donc gelés et trempés jusqu'aux os que nous arrivons sur les bords de ce beau lac au bleu clair. Nous décidons de faire une pause d'une journée dans la station balnéaire de Balatonfüred pour faire sécher nos affaires. Même s'il fait toujours froid, le soleil est de retour et nous reprenons des forces avec des plats bien roboratifs arrosé de vin hongrois, très bon!



Sur le bac qui nous mène vers la péninsule de Tihany 


Choux farcis !






C'est requinqués que nous reprenons la route. Un petit massif de collines nous fait à nouveau suer mais le paysage est vraiment charmant et nous apprécions nettement plus de transpirer dans ce décor que d'enchaîner les centaines de kilomètres de champs de maïs. Après avoir traversé la petite ville de Györ, nous arrivons en Slovaquie, un pays que nous ne ferons qu'effleurer.

Vignobles sur la côte nord du lac Balaton 


Sur la grande place de Györ



Bratislava se trouvant sur le bord du Danube, nous y passons un moment agréable entre visite du petit centre historique et dégustation de bryndzové halušky, des gnocchis au fromage de brebis.

Bratislava 




Et voilà l'itinéraire:



vendredi 19 août 2016

Peau de chagrin yougoslave

Le passage de frontière entre la Bulgarie et la Serbie se passe sans encombre, nous sommes pratiquement les seuls à la passer. Les choses sont en revanche bien différentes dans l'autre sens, des centaines de voitures font la queue, il s'agit essentiellement de Turcs vivant en Allemagne ou en Autriche et qui attendent ainsi pendant des heures le précieux feu vert pour retourner dans leur village natal le temps d'un été. Lorsque nous entrons à Dimitrovgrad, le premier village serbe, nous n'avons pas le sentiment d'avoir changé de pays mais plutôt d'être carrément passés sur une autre planète. Le centre est mignon, regorge de petites boutiques qui font envie comme une fromagerie par exemple et les gens, chose incroyable, nous sourient et vont jusqu'à nous demander d'où nous venons! Le choc est grand mais heureux! Notre première nuit serbe se passe dans un petit champ de Dimitrovgrad, nous y rencontrons son propriétaire, amusé de voir deux hurluberlus venus depuis Istanbul en vélo.

Après un réveil champêtre parmi les quelques vaches d'un vieux monsieur qui doit sucrer les fraises depuis déjà un petit bout de temps, nous reprenons la route mais cette dernière est très passante et, encore une fois, quelques abrutis du volant ont décidé de jouer avec nous au jeu du "ça passe ou ça casse". Stressés, énervés par tant d'inconscience, nous trouvons très vite notre salut: une autoroute toute neuve, pas encore ouverte à la circulation et qui se trouve juste de l'autre côté de la ligne de chemin de fer que nous longeons. A ce moment-là, nous bénissons cet énorme enrobage qui coupe en une ligne bien droite la campagne alentour. Après quelques kilomètres, nous retrouvons les petites routes de campagnes avec ses collines, ses villages croquignolets et ses scènes pittoresques.


Une autoroute rien que pour nous!





Guitare au coin du réchaud 

La route de tous les dangers!... En réalité, il s'agit d'une petite route tout ce qu'il y a de plus banal. Les Serbes semblent très à cheval sur la signalisation 

Nous décidons de faire une première halte à Zajecar. C'est d'ailleurs à ce moment-là que nous nous rendons compte que nous avons déjà dépassé les 1000 kilomètres. La ville est d'un intérêt très limité mais elle a la particularité de se situer tout près d'un site romain du nom de Felix Romuliana, classé au patrimoine mondial de l'Unesco. Le site, un palais impérial construit à la fin du IIIème siècle par l'empereur Galère, est impressionnant, admirablement conservé et surprenant, jamais nous n'aurions imaginé les Romains construire une telle forteresse, un véritable OVNI comparé aux vestiges des cités que nous avons pu visiter auparavant. Voyez par vous-même...




Nicolas est plus que sceptique face aux installations dites interactives...


Galère en personne

Après Zajecar, nous poursuivons notre route vers le nord, en territoire Vala, une minorité serbe qui parle un dialecte roumain et qui rappelle aussi combien ce pays est un véritable puzzle. L'objectif est de rejoindre le Danube et l'Eurovelo 6, l'itinéraire pour cyclistes qui le longe. Nous sommes impatients de voir le Danube, il marque un point important de notre périple, il est en somme le fil d'Ariane qui va nous conduire jusqu'à la maison... et une bonne tarte à la fraise, notre lubie gastronomique du moment. Et c'est dans un décor de raffinerie et autre usine hydroélectrique que nous rencontrons le Danube, pas bleu pour un sou mais plutôt de couleur marronnasse. Encore un mythe qui tombe.

Première rencontre avec l'Eurovelo 6


Sur une petite piste caillouteuse, Nicolas s'arrête pour prendre en photo une jolie scène: une dame coiffée d'un chapeau pêchant dans le Danube, avec à ses côtés, son mari. Il s'agit de Ljubinka et Dušan. "Parlez-vous français?" s'empresse de nous demander ce dernier. "Oui, nous sommes même Français!" lui répond-on. Notre réponse le ravit, sa femme a été professeur de français, il aime beaucoup les Français, et c'est tout excité qu'il nous invite à boire le café. Le goûter improvisé est un véritable festin, Ljubinka nous fait profiter de ses délicieux gâteaux maison, et persuadée que nous devons mourrir de faim, elle nous remplit notre assiette dès qu'une place se libère. Ljubinka parle un français impeccable, Dušan a plein de questions à nous poser et nous aussi. La pauvre Ljubinka est alors mise à contribution passant inlassablement du français au serbe. Et sans nous en rendre compte, l'heure du dîner approche. Très vite, nous sommes invités à rester dîner et à planter notre tente dans leur  jardin. Mais Ljubinka, toujours soucieuse de ne pas avoir assez à offrir à ses hôtes, décide d'aller pêcher quelques petits poissons. Elle embarque alors Stéphanie qui va connaître pour la première fois les joies de la pêche. Un peu plus tard, le festin reprend avec les poissons fraîchement pêchés, un burek aux champignons (maison bien sûr), des saucisses, de la salade... Et les discussions vont bon train. Nous prenons alors conscience que la Serbie est littéralement vidée de sa population. Un tiers des Serbes vivent à l'étranger et reviennent au pays seulement pour profiter, le temps des vacances, de la gigantesque maison, souvent d'un goût peu sûr, qu'ils se sont fait construire pour illustrer ou plutôt faire illusion sur leur réussite à l'étranger. Si bien qu'une fois l'été passé, la plupart des villages redeviennent sans vie, sans enfants, sans jeunesse pour faire avancer le pays. Ljubinka et Dušan n'échappent pas à la règle, leur fille, à 49 ans, vient de quitter la Serbie pour les USA, elle et sa famille ont obtenu la carte verte, l'assurance d'une vie meilleure à ce qu'il paraît. Contrairement aux jeunes Serbes qui ont des euros plein les yeux, ils sont sceptiques sur les bienfaits d'intégrer l'Union européenne (et ce n'est pas nous qui allons les contredire). Ils sont aussi nostalgiques de la Yougoslavie mais c'est une nostalgie apaisée et dénuée de ce nationalisme exacerbé que l'on a l'habitude d'associer aux Serbes. Ils sont attristés par ce racisme, par cette haine qui existe entre des personnes qui, il y a encore quelques années, faisaient partie du même pays, par ces horreurs commises par les différents camps... Décidément, nous apprécions beaucoup ces gens. Et c'est bien tard pour les cyclotouristes disciplinés que nous tentons d'être que nous allons nous coucher. Le lendemain matin, après avoir dégusté les bonnes crêpes de Ljubinka (et ce sans modération... grosse erreur quand on connaît maintenant les petites montées qui nous attendaient!), c'est avec un petit pincement au coeur que nous les quittons.




La Bretonne est aux anges!


Après quelques coups de pédales, nous découvrons enfin le Danube dans toute sa splendeur. Nous sommes dans les Portes de Fer, une vallée encaissée dans le sud des Carpates qui offre un parfait écrin au fleuve. Sur une centaine de kilomètres, quelques beaux points de vue ponctuent notre chemin, de charmants villages accueillent nos moments de pause et d'agréables campings (avec douche!) bordent le Danube.





Encore une montée que nous avons sentie passer!








La forteresse de Golubac
Coup de pompe!

Après les Portes de Fer, notre objectif est Belgrade. Nous traversons pour la première fois le Danube et nous ne savons pas si c'est la promesse d'un bon lit ou les ondes positives dégagées par le Danube mais ce jour-là, nous envoyons de la bûchette, nous parcourons d'une traite 104 kilomètres, notre record! Absorbés par cette soif d'avancer, nous oublions de faire le plein d'eau pour la soirée, il fait bientôt nuit et nous nous trouvons sur une grosse route sans une boutique ni même une maison dans les parages, seulement des champs de maïs. Surgissent alors dans leur break, nos anges gardiens, une famille de Marseille croisée le matin même au camping. Vu notre soirée mal engagée, ils se demandent si nous n'avons pas besoin d'un peu d'aide comme la localisation d'un camping ou un peu d'eau. Tout en papotant allègrement de la situation politique en France et de choses plus légères, ils remplissent nos bouteilles, et nous les quittons pour camper dans un petit champ non loin de la route. Le lendemain matin, nous avons le plaisir de les croiser une nouvelle fois, nous commençons alors à nous demander s'ils ne veillent pas sérieusement sur nous!

L'embarcadère de Ram

Le dernier tronçon menant à Belgrade est sans intérêt, tantôt c'est la digue herbée pas du tout pratique pour le vélo tantôt les routes et les ponts à l'affluence digne du périph parisien. Après quelques galères pour trouver un logement conforme à notre budget, nous sommes fin prêts à visiter la ville... enfin presque, une bonne journée de repos s'impose avant.

Belgrade est une ville très agréable avec un centre historique assez joli. Nous y découvrons qu'un nouveau type de tourisme fait fureur, une jeune Française rencontrée à notre auberge nous raconte ainsi qu'elle a pour projet de visiter en quinze jours la Croatie, la Bosnie, le Monténégro, l'Albanie, la Serbie, la Slovaquie et la République tchèque... En réalité, elle parle de Zagreb, Sarajevo, Belgrade... Ou quand la capitale devient le pays. Elle n'est malheureusement pas une exception, le backpacker n'est plus, vive le flashpacker!




Du pain, du beurre, du miel, un strudel... Nous retrouvons le bonheur d'un vrai petit-déjeuner! "Et en plus, il y a une guitare!" ajoute Nicolas 
La cathédrale Saint-Sava, ce serait la plus grande de l'Eglise orthodoxe 

La forteresse de Belgrade... dont nous ne savons absolument rien, une flemme bien assumée de se cultiver

Dans l'église de Ružica

Dans le quartier de Skadarlija, le Montmartre de Belgrade
Belgrade, c'est aussi beaucoup de bâtiments laids
Les Serbes ont gardé un petit souvenir des bombardements de 1999

Notre dernière étape en Serbie est la province de Voïvodine avec Novi Sad, sa capitale. En arrivant à Novi Sad, nous sommes très agréablement surpris, la ville avec son architecture austro-hongroise est de toute beauté. Une mauvaise météo et voilà que nous avons un excellent prétexte pour rester un peu plus longtemps et visiter les moindres recoins de ce petit bijou. Après, nous devions passer par le joli massif de Fruška gora qui abrite quelques seize monastères. Mais la météo n'est toujours pas au beau fixe et l'échéance de notre retour approche à grands pas. Nous ne pouvons plus attendre, la décision est donc prise: tant pis pour le Fruška gora, traçons vers l'ouest!

Le village de Sremski Karlovci, une autre petite perle architecturale

La place principale de Novi Sad
Propagande sur les Serbes tués par les Croates... De l'autre côté de la frontière, ce sera l'inverse
La rue Dunavska
L'horloge de la forteresse de Petrovaradin



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Et pour finir, l'itinéraire!