mercredi 6 avril 2016

Battambang et une jolie petite histoire...

La plage et la mer c'est bien joli, mais nous ne sommes pas venus jusqu'ici pour faire bronzette sur la côte. Alors, un petit peu reposés, nous partons. Initialement, nous avions prévu de rester dans le nord et de passer par le Laos pour rejoindre le Viêtnam, mais le besoin d'un peu de repos et les regards interloqués (sont-ils vraiment sains d'esprit?... rien n'est moins sûr !) quand nous expliquions que nous irions au Laos, mais pas au Cambodge, donc sans voir Angkor, nous ont fait changer d'avis et opter pour une route plus méridionale. On va au Cambodge !
Nous commençons par un long trajet en bus de nuit jusqu'à Bangkok, puis poursuivons avec un bus frigidaire jusqu'à la frontière avec le Cambodge. Comme souvent, les locaux ne disent rien et s'habillent pour ne pas se changer en glaçons, et nous expliquons au chauffeur qu'il fait trop froid, réponse avec un grand sourire "oui, très froid"... Et il ne change rien... Donc nous nous couvrons !

Il est 5 heures du matin dans la gare routière de Bangkok, Stéphanie étudie la suite du voyage

Le passage de frontière est réputé pour ses arnaques, tout le monde propose ses services pour obtenir un visa plus vite, mieux que les autres, plus vrai que le vrai, etc. Nous rencontrons une Américaine et un Israélien très drôle et réussissons à passer entre les différents pièges et obtenons le vrai visa, rapidement, sans problème et sans bakchich ! Un taxi collectif pas cher plus tard et, après un total de 24 heures de trajet, nous arrivons à Battambang.

La ville est censée être charmante et receler de nombreux édifices coloniaux... Comme d'habitude, les guides s'enflamment un peu vite mais la ville est assez tranquille, les bords de rivière sont agréables le soir et il reste bien quelques jolies baraques de la période française, malheureusement bien peu mises en valeur.


Le patrimoine architectural recouvert de publicités...


Le soir, sur les quais, c'est zumba!

Nous dînons au marché de nuit sur les berges et trouvons d'emblée les Cambodgiens très sympathiques, impression qui continuera. Par contre, le budget est moins content parce le pays utilise le dollar et le riel, sa monnaie officielle, indifféremment. Du coup, pour les étrangers tout est "pas cher", le moindre petit fruit juste "one dollar"... 


Au marché de nuit, on se repose l'éternelle question existentielle: "ce soir, nouilles ou riz?"

Le lendemain, nous décidons d'aller nous balader dans les alentours de la ville, en tuk-tuk avec un chauffeur super sympa et quatre autres touristes. Battambang se situe au coeur du grenier à riz du Cambodge, une grande plaine couverte de rizières. À cette saison, tout est sec et jauni, mais ce doit être assez beau lorsque les rizières sont en eau et verdoyantes. Nous atteignons une grosse colline sur laquelle sont juchés des temples bouddhistes. Une grotte à l'histoire tragique abrite également un ossuaire et un bouddha couché. À l'époque des Khmers rouges, les dirigeants locaux venaient jeter les gens dans la grotte, du haut d'une falaise, hommes, femmes, enfants et bébés. La plupart mourraient lors de la chute et les autres agonisaient lentement au fond. 

C'est donc le moment de vous raconter un petit bout de la jolie histoire contemporaine du Cambodge. Après une indépendance obtenue en 1953 sans trop de violence, le Cambodge, petit pays convoité par ses voisins, adopte une politique de neutralité. Dans les années 60, les Américains, mécontents de leur ratage en cours au Viêtnam, ont commencé à bombarder le Cambodge, alors dirigé par le prince Sihanouk, qui était censé être un peu trop complaisant avec les Viêtcongs. Mais ça ne leur a pas suffi et, en 1970, la droite, soutenue par les Américains, prend le pouvoir par le biais d'un putsch. S'en suivent cinq années de souffrances accrues pour le peuple Cambodgien, la corruption est galopante, les habitants de l'est du pays reçoivent 2,8 millions de tonnes de bombes américaines sur la figure, sous prétexte que les Viêtcongs passent dans le coin, un quart des habitants d'origine vietnamienne est massacré, soit environ 100 000 morts, la production de riz passe de 4 millions de tonnes à 700 000 en 4 ans...  Bref tout est en place pour le grand final ! En réaction, une guérilla dirigée par les Khmers rouges et appuyée par la Chine, et le Nord-Viêtnam, se met en place et arrive finalement à prendre le pouvoir en 1975. Manque de bol pour le peuple Cambodgien, cette bande de tarés sous-éduqués va mettre en place une politique d'assassinat quasi-systématique de tous les opposants, mais aussi des instituteurs, des porteurs de lunettes, en fait de tous ceux utilisant un peu leurs cervelles, et des urbains parce que la ville c'est mal aussi...  En 4 ans, ils tuent 1,7 millions de personnes. Le Viêtnam, qui ne les supporte plus depuis un moment, finit par mettre fin au massacre en envahissant le pays. Les Khmers rouges, soutenus par la Chine, la Thaïlande et...  les Etats-Unis (jamais à une contradiction près!), continuent de mener une guérilla pendant presque 20 ans, couvrant la moitié du pays de mines anti-personnelles.

Aujourd'hui la guerre est finie, mais le pays est encore loin d'être sorti du marasme, le massacre des gens éduqués ayant laissé la place aux nouveaux riches corrompus, les nombreux pauvres se débrouillent comme ils peuvent pour boucler les fins de mois. Mais heureusement, les Américains n'iraient plus déstabiliser une région entière... Ah, on nous dit que si... Mais la France n'aurait pas apporté son soutien à pareille initiative ?... Ah, on nous dit que si également...

Bon alors tant pis, on va quand même voir cette grotte et les générations futures iront voir celles du Moyen-Orient ! Le sens du commerce n'a par contre pas été jeté aux oubliettes et l'ambiance autour de la grotte n'est pas vraiment au recueillement, tout est bon pour faire du business, alors les "only one dollar mister" ponctuent nos pas.

Les Khmers rouges jetaient tout le monde de là-haut




Ce plat pays a moins de bonnes bières que d'autres




En fin de journée, nous allons voir les chauves-souris sortir d'une grotte voisine. C'est la troisième fois que nous voyons ce spectacle en Asie, et c'est la plus belle. Les chauves-souris sont très nombreuses et le long ruban qu'elles dessinent devant le soleil couchant ondule, s'enroule, se resserre puis se détend soudainement, offrant un spectacle particulièrement gracieux. 





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