jeudi 10 mars 2016

Sankar ni bus... mais en pirogue!

Après Kalaw, nous continuons notre route vers l'est jusqu'au lac Inle. Ce lac, en plus d'être le deuxième plus grand lac de la Birmanie, a la particularité d'abriter une quarantaine de villages sur pilotis habités par les Intha. Cette ethnie serait arrivée dans la région aux alentours du XIIIème siècle. Les terres et les montagnes environnantes étant déjà occupées par les Shan, les Inthas n'ont pas eu beaucoup le choix et ont créé leurs villages sur le lac même. Outre cette vie sur pilotis, la renommée des Intha est aussi liée à leur façon de ramer avec la jambe, assez originale. Debout sur leur pirogue, ils manoeuvrent leur gaffe en l'entourant d'une jambe. Cette technique leur permet de guetter les poissons au fond du lac, peu profond (seulement 3 mètres en moyenne), tout en gardant les mains libres pour les pêcher. Elle leur permet également de circuler plus facilement dans les canaux étroits sans s'emberlificoter dans la végétation.

Bien évidemment, il ne fallait rien de plus pour faire de la région un haut lieu du tourisme. La rencontre opportune d'un français effectuant une thèse de géographie sur la région nous en a appris un peu plus sur les évolutions en cours. Les alentours du lac sont déboisés pour construire des hôtels à la pelle, pour soi-disant répondre à une forte demande touristique qui, en réalité, commence à diminuer vu les tarifs relativement élevés. Le faible niveau de formation fait en effet que tous les habitants ayant un petit capital se lancent dans la construction d'hôtels qu'ils veulent chics et chers, mais sans savoir les gérer, les entretenir... Vous ajoutez à cela l'augmentation de la population, l'intensification de l’agriculture, les déchets qui sont rejetés dans le lac, la pollution aux hydrocarbures, la pollution sonore, un système d'assainissement quasi inexistant... et vous obtenez le cocktail parfait pour diminuer l'étendue du lac et bouleverser tout son écosystème. D'après le doctorant, la prise de conscience de ces problèmes est très faible ; la sortie de la pauvreté étant malheureusement la première, et légitime, préoccupation de la plupart des habitants.

Nous avons donc ajouté notre petit quota de pollution pour découvrir ce monde en voie de disparition. Sur les conseils de différents voyageurs, nous nous sommes laissés tentés par la découverte du lac Sankar, situé plus au sud et relié au lac Inle par un long chenal.
Le lac Sankar serait en effet beaucoup moins touristique que son frère siamois et offrirait une belle balade. Après le tour peu convaincant de quelques piroguiers, nous nous rendons dans une petite "agence" locale (en fait, un blanchisseur multi-tâche... le comble!) qui proposait des itinéraires sur-mesure. Il nous propose alors un itinéraire plus original qui a la particularité d'aller jusqu'à un endroit assez peu couru, Tar Yoe, un mur qui aurait été construit par un esprit.

Levés à 5h30, nous voilà prêts à passer plus de 9 heures bercés par le ronron du moteur de la pirogue, enfin plutôt assourdis par le petit moteur chinois qui n'annonce pourtant que 25 chevaux. Une demi-heure plus tard, emmitouflés dans une couverture, et oui il fait vraiment froid et humide, la balade commence! A la vue de notre pirogue sur le lac Inle, un faux-pêcheur prend une pose, avec gaffe et filet, censée imiter celle des vrais pêcheurs; l'idée étant que nous le prenions en photo contre quelques billets. Sa pose n'a rien à voir avec celle des vrais pêcheurs et est si ridiculement acrobatique  que nous le regardons perplexes et, lui, un peu hébété: "Bah alors, vous ne prenez pas une photo?!"... Et le pire c'est que ça a l'air de marcher sa petite affaire!
Un peu plus loin, nous apercevons des pêcheurs en pleine action. Le spectacle est beau mais nos photos nous déçoivent un peu : ils sont trop loin! Nous nous régalons par contre du paysage que composent les petits chenaux et les villages sur pilotis.









Notre premier arrêt a lieu dans une poterie, une visite absolument pas prévue dans notre programme mais nous faisons contre mauvaise fortune bon coeur et allons regarder une dame qui fabrique des pots sans grand intérêt. Après cette visite, nous en profitons pour rappeler à notre batelier le programme qui commence par la découverte de ce fameux mur.
Nous sommes alors confrontés à une situation que nous n'avions pas imaginé: il ne connaît pas! Argument difficilement contournable. Nous lui demandons si nous pouvons appeler l'agence. Il n'y a pas de réseau, nous dit-il. Nous sommes donc allés voir de jolies zones de stupas en ruines, le long d'un village, puis des stupas rénovés sans aucun goût. Ici, le simple fait de construire ou rénover, à la va-vite, un édifice religieux permet d'acquérir des mérites, par conséquent, la préservation de l'architecture n'intéresse presque personne. Certains vendent même des antiquités contre un peu d'argent pour remettre de la peinture dorée ou ajouter des néons dans la pagode. Le patrimoine: zéro mérite, le tuning de pagode avec des néons: moults mérites!


Aux abords du village de Sankar

   


Dans le monastère de Tharkhaung



A la pause déjeuner, alors que nous cherchons à contacter l'agence du restaurant, un miracle se produit: le piroguier a retrouvé la mémoire et sait finalement où se trouve ce mur...


Une sorte de mur avec une rigole au milieu traverse la moitié du lac Sankar, pas de maçonnerie visible, on dirait un phénomène naturel, mais l'ensemble est trop régulier. Ni hommes, ni nature, ici on coupe la poire en deux, cet ouvrage est donc attribué aux esprits!

Nous sommes les seuls touristes ici, ça fait plaisir !



En fin de journée, comme convenu, nous devons passer par les jardins de Kela, une grande zone maraîchère où les cultures poussent sur des jardins flottants. Mais le batelier, qui n'a pas envie de faire quoi que ce soit, à part nous emmener dans un magasin de tissus, pour jouer avec ses potes, a plein d'excuses dans son sac: ce n'est pas joli, il n'y a pas de cultures, la pirogue est trop grande pour passer entre les allées... A ce moment-là, nous voyons une pirogue de la même taille que la nôtre s'enfoncer dans les jardins. Euh non, finalement il n'y a plus d'essence! Agacés et dépités, nous allions finir par renoncer face à une telle mauvaise volonté, quand, par nous ne savons quel miracle, il prit le chemin des jardins... La tomate constitue la culture principale, et malgré le paysage bucolique, elle est loin d'être bio! Mais à ce moment-là, ce n'est pas la haute saison de production.    


Les piroguiers adorent amener les touristes dans les mêmes magasins, pour se retrouver entre potes...

Pendant qu'il joue, on s'occupe!


Au milieu des jardins flottants




Le soir, nous nous rendons à un spectacle de marionnettes, appelé yok-thei pwe. Le zawgyi ou l'alchimiste, le prince, le cheval... tous les personnages classiques de cet art se sont ainsi succédés sur une musique des plus stridentes et dissonnantes. Nous n'avons pas spécialement été sensibles au charme de ce spectacle, nous aurons au moins contribué à la survie de cet art délaissé par les Birmans.

Le lendemain, nous partons faire une autre balade sur le lac Inle, notamment pour voir le site d'In Dein, qui regrouperait de belles pagodes perdues dans la végétation. Partis une heure plus tard, nous voguons dans une atmosphère différente de la veille, la brume est plus épaisse, les couleurs, forcément bleues, sont belles et nous avons pris cette fois-ci le téléobjectif!





C'est jour de marché, toutes les barques convergent vers le village de Nam Pan



Pour cette journée, nous avons un autre batelier. Dès le début, il souhaite nous emmener dans l'une de ces fichues boutiques pour acheter de l'artisanat. Cette fois-ci, nous refusons d'y aller. Il ne comprend pas notre refus et ne parle pas un mot d'anglais... quelque chose nous dit que ça ne va pas être simple.
Nous nous arrêtons ensuite sur le marché assez intéressant de Nam Pan, qui a lieu tous les cinq jours comme celui de Kalaw... avant que les dizaines d'autres barques de touristes n'arrivent aussi. Et oui, le touriste est une espèce paradoxale, très grégaire, il se retrouve aux mêmes endroits, souvent pour une bonne raison, et essaie ensuite d'éviter ses congénères, parfois pour une bonne raison aussi! N'ayant pas envie de rater tous les lieux d'intérêt, nous n'échappons pas à la règle!

Le périph du lac Inle aux heures de pointe, et encore la majorité des touristes n'est pas arrivée
    
La serviette éponge est très fashion ici !


Une femme dragon !





Sur notre chemin, nous croisons deux birmans un peu anglophones qui expliquent au batelier le "no shop" que nous lui avons répété depuis le début. Le message est enfin passé!

Après une longue remontée de chenal, nous arrivons au site d'In Dein. Joli mais finalement très touristique. Deux visites de monastères puis un nouveau tour dans les jardins flottants et nous rentrons sur la terre ferme pour prendre notre bus de nuit pour Rangoon.


Non loin de la pagode Phaung-Daw U

Pendant que la mère jette les déchets plastiques dans le lac, le père lave la vache et les enfants se lavent les dents avec l'eau du lac...
  
Le site d'In Dein




La pagode Shwe Inn Tain

Dans le monastère de Nga Phe Chaung

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