samedi 5 décembre 2015

Magellan n'en croirait pas ses yeux!

Arrivés au fin fond de la Patagonie, nous n'avons pas résisté très longtemps aux sirènes du Parc chilien Torres del Paine, situé en pleine Magellanie et présenté comme l'un des plus spectaculaires de la planète (rien que ça!). Le parc étant non loin de la frontière, un petit détour s'imposait donc.

Depuis Puerto Madryn, nous avions pris un bus pour Rio Gallegos, ce qui veut dire 20 heures de bus. De là, un autre bus pour Rio Turbio nous attendait, soit à nouveau 4 heures de bus. A Rio Turbio, dernière ville avant la frontière, nous devions prendre un bus pour Puerto Natales, la ville chilienne qui sert de base pour rejoindre le parc national. Sauf que le bus n'est jamais arrivé! Sur les conseils d'une gentille dame, nous avons fait du stop. Et en moins de 10 minutes, nous étions embarqués dans l'énorme monospace d'un couple de chiliens. L'homme travaillait pour le parc, ça tombait bien, nous avions des questions à lui poser, surtout des questions d'ordre climatique... nous sommes rassurés, il devrait faire beau. Le passage de frontière se fait sans encombre. Côté chilien, à peine le passeport tamponné, nous retrouvons dans le monospace des agents de la douane chilienne tout affairés à fouiller nos sacs. Ils sont arrivés à temps! Inconscients que nous sommes, nous étions à deux doigts d'introduire dans leur pays deux citrons et un pot de miel... 

La frontière passée, nous sommes d'emblée émerveillés, nous apercevons en contrebas le magnifique fjord que borde Puerto Natales. Dans ce fjord, qui porte le nom poétique d'Ultima Esperanza, le dernier espoir, le spectacle est inédit pour nous: des montagnes enneigées viennent se plonger dans une mer, mi-lac, mi-fleuve.
Malgré son côté touristique, Puerto Natales nous charme très vite avec ses maisons de bois et de tôles et son atmosphère de bout du monde... On se croirait un peu en Alaska (paroles de personnes qui n'y ont jamais mis les pieds!). C'est aussi là que nous avons eu le plaisir de revoir Maude et Marie-Pier, deux québécoises s'a' coche, que nous avions rencontrées sur la péninsule de Capachica puis recroisées à La Paz.
Côté gastronomie, nous y découvrons la viande de guanaco et le jus de calafate, la baie d'un buisson patagon. Verdict: le guanaco a une viande assez similaire à celle du lama et de l'alpaga, elle est peut-être meilleure, peut-être aussi parce qu'elle avait été mieux cuisinée. Quant au jus de calafate, il ressemble au jus de canneberge avec un petit arrière goût pas désagréable.






Sans grande surprise, les prix sont assez élevés. Nous optons donc pour une petite pension de famille avec une ambiance du crû garantie. La télévision était continuellement allumée, ça sentait le graillon, il y avait plein de bibelots sur les étagères dont une petite figurine d'Elvis Presley. Les rouflaquettes de notre hôte nous ont laissé deviner qu'elle n'était pas là par hasard. Côté dortoir, nous avions pour colocataires des marins ou des pêcheurs. Nos nuits furent très vite rythmées par le vacarme du marin bourré comme un coing, les ronflements et autres pets délicats... Ah qu'il est loin et doux le temps où nous pouvions avoir notre propre chambre!

Le parc national Torres del Paine propose essentiellement deux itinéraires de randonnée: le W (ainsi nommé parce qu'il a la forme de la lettre) qui se fait en 4-5 jours et la boucle, un peu plus longue, qui dure au moins 7 jours. Nous optons pour le W et grand bien nous a pris...
Le soir de notre arrivée, nous sommes allés manger dans un pub branchouille où nous faisons la connaissance de Sophie qui y travaille pour la saison. Elle est française, vit à Santiago depuis dix ans et nous propose de nous dépanner en prêtant un petit sac de randonnée à Stéphanie et un coupe-vent à Nicolas. Et ça, c'est chouette! Ce que nous ne savions pas encore, c'est que Sophie n'avait probablement pas randonné depuis les années 80...

Nicolas à la mode de 1987...
Il restait à trouver des remplaçants à notre regretté matériel. Comme elle proposait une ristourne à ses clients, nous avons loué la tente, les sacs de couchage et les tapis de sol auprès de notre pension. Tout est made in China, tout est donc lourd et d'une qualité médiocre mais ils devraient faire l'affaire, pensions-nous.
L'itinéraire W a la particularité d'avoir l'une des merveilles du parc nichée au fond de chacune de ses trois branches. Il a par conséquent une autre particularité, chaque branche signifie en effet un aller-retour par le même chemin; ce qui ne nous plaît pas des masses...

Nous décidons de suivre le W d'ouest en est, à ce qu'il paraît la vue serait meilleure dans ce sens. Pour ce faire, nous prenons un bus menant jusqu'au parc et plus précisément jusqu'au ponton duquel un bateau nous fera traverser le lac Pehoé. A peine arrivés à la gare routière, nous comprenons que nous avons changé de monde... Une bonne centaine de touristes, la plupart Américains, certains suivis d'une grosse valise à roulettes, d'autres portant des chaussures de randonnée flambant neuves, font la queue pour rentrer dans des bus spécialement affrétés pour eux, pour nous... Il est aussi loin le temps du camion de laitier!

La traversée du lac est censée être un moment extraordinaire puisqu'elle offre une magnifique vue sur les montagnes. Pour nous, ce moment le sera moins, il pleut, le ciel est gris et le lac aussi. Mais la vue reste quand même pas mal.




Puis la randonnée commence. Elle débute par la montée d'une jolie vallée, tantôt boisée tantôt herbeuse. Très vite, un premier désagrément apparaît. Que ce soit devant ou derrière nous, il y a du monde! Et se sentir talonné ou ralenti toute une journée, c'est tout sauf agréable! Nous choisissons alors de ralentir et de devenir le groupe balai. Puis un second, le matériel loué pèse une tonne! Heureusement, la vue de beaux lacs puis celle du glacier Grey nous font oublier nos petits tracas. 




Le soir, nous arrivons au camping, un camping payant à 12 000 pesos "l'emplacement", soit environ 16 euros... la société privée qui le gère se faisant bien évidemment plaisir. C'est là que nous découvrons que le refuge qui le jouxte est plus proche du chalet tout confort que "des quatre murs en mode survivor" comme nous avons pu le lire sur un blog de petits minets voulant impressionner leur monde. Il est aussi possible d'y louer, et même de réserver sur le net, tout le matériel de camping nécessaire. Vous la sentez l'expérience "into the wild"? non?... C'est normal. Pour éviter tout incendie, nous devons cuisiner dans un endroit délimité. Ici, c'est une pièce fermée avec eau courante. Grâce à la dizaine de réchauds en marche, nous avons eu droit à une petite séance de hammam, gratis en plus! Ce fut aussi l'occasion pour Nicolas de jouer à l'instructeur de réchaud: la plupart des personnes présentes randonnent pour la première fois et ne savent pas vraiment comment faire fonctionner ce machin... Inutile de vous préciser qu'après cette toute première journée de randonnée, il est possible de prendre une douche chaude... Un jour sans douche, vous n'y pensez pas!

Avant de nous coucher, nous allons jusqu'au mirador pour admirer d'un peu plus près le glacier Grey aux 50 nuances (oui, elle est facile et alors? ;)). Nous découvrons aussi la partie cachée du glacier. Derrière lui, se trouve en effet le Campo de Hielo Sur, la calotte glaciaire de 13 000 km2 qui le nourrit et qui ne constitue que la partie méridionale de l'immense calotte glaciaire du Campo de Hielo Continental, qui s'étale quant à elle sur près de 900 kilomètres, soit une superficie aux alentours de 37 000km2... Des chiffres qui font tourner la tête.


Enfin seuls, nous et notre super tente!
... Et bien non en fait!

Pendant la nuit, nous prenons conscience de l'étendue de notre problème matériel. Nos sacs sont merdiques et ne chauffent absolument rien!  Moins 12° degrés osent indiquer leur notice... dans le genre foutage de gueule! Nous avons donc eu une nuit blanche... Une chose est sûre, la journée va être longue!

Après une petite poussée jusqu'au mirador suivant pour voir d'encore plus près le glacier, nous reprenons la première branche du W dans le sens inverse. Grâce à notre détour qui nous mettait en queue de peloton, nous pensions être tranquilles. Naïfs que nous sommes! Nous avions oublié la cargaison de touristes du jour allant dans le sens inverse. Nous avons bien dû en croiser plus de 100 ce jour-là. Nous sommes fatigués, saoûlés par cette affluence. Certains nous consternent avec leurs écouteurs aux oreilles... Non mais franchement, qu'ils restent dans leur métro! La rencontre d'une jeune fille avec une petite radio accrochée à son sac crachant une bonne daube nous achève. Malheureusement, ce ne sera pas la dernière personne à nous offrir un spectacle aussi navrant. Bref, on n'est pas contents, alors on râle! Et ça nous fait du bien! Et puis l'heure du déjeuner arrive. Or, nous n'avons prévu que du chaud et nous ne pouvons cuisiner que dans les espaces prévus à cet effet, soit uniquement dans les campings. Grrrr! Nous râlons alors de plus belle! Notre conclusion est alors la suivante: nom d'un Zeus, s'ils veulent protéger le parc, qu'ils restreignent les entrées en donnant des permis de camper dans des endroits sans eau courante, sans rien comme aux USA (pour une fois qu'on les prend en modèles!)!  Et cela limitera fortement les risques... Oui mais alors comment les sociétés privées gérant les campings, les refuges et les lodges se feront de l'argent?! Nous n'avions pas pensé à ce point... Bref passons.

Dans l'après-midi, le ciel gris fait place au soleil, qui ne nous quittera plus jusqu'à la fin de la randonnée. Il y a par ailleurs très peu de vent, la région est pourtant connue pour avoir un vent à décorner les boeufs. Côté climat, pas de doute, nous avons la baraka!

Cette journée nous offre une belle vue sur le lac Pehoé et les Cuernos, ces étranges pics bicolores taillés par l'érosion en forme de cornes (d'où leur nom). Un peu sur les rotules, nous finissons cette deuxième journée au camp italien. Gratuit cette fois-ci! Nous retrouvons alors le plaisir d'aller chercher de l'eau dans la rivière et d'aller faire pipi à la fraîche... Ah bah non, il y a là aussi des toilettes!  Cette fois-ci, nous devons cuisiner dans une petite cabane ouverte où une vingtaine de randonneurs s'agglutinent autour d'une table, petite et sale...c'est un peu tout ou rien dans ce parc.
Forts de notre expérience de la nuit précédente, nous innovons en couplant nos sacs. La chaleur de l'autre et nos doudounes devaient nous aider à supporter la fraîcheur de la nuit. Pas vraiment en fait, nous avons eu encore plus froid. 


Le Paine Grande
Le lac Pehoé
Les Cuernos
Les Cuernos d'un peu plus près

La troisième journée est consacrée à la branche du milieu du W soit à la Vallée du Français qui offre entre autres une belle vue sur le Paine Grande, le point culminant du parc, à 3050 mètres. Comme sur le retour, nous repasserons par le camp, nous décidons, comme presque tout le monde d'ailleurs, d'y laisser nos sacs. Heureusement, parce que nous sommes complètement HS. Et comme le jour d'avant, nous partons sur les coups de 10 heures, la discipline des randonnées précédentes n'est plus... Tels des éléphants de mer (et dire qu'on se moquait d'eux!), nous nous traînons jusqu'au cirque clôturant cette balade. C'est sûr, c'est beau mais notre état nous permet difficilement d'apprécier toute la beauté de l'endroit. Et ce n'est pas la cinquantaine de personnes avec qui nous partageons le point de vue qui vont nous y aider.

Le Paine Grande dans toute sa splendeur
Oh une avalanche!
Le lac Nordenskjöld
Un peu de vitamine C peut-être?
Les Cuernos sous un autre angle
Le cirque final
Le point fort de cette journée fut pour nous la marche le long du lac Nordenskjöld. Les vagues, le bleu du lac et les imitations de cyprès par les hêtres du parc nous offrent un parfait décor de paysage méditerranéen, à ce détail près que l'eau est glaciale! Nous nous demandons même si ce décor n'a pas influencé l'ambiance du camp Los Cuernos, le camping de notre troisième nuit. Sur un fond de musique venant du restaurant du "refuge", nous tombons sur d'autres randonneurs, verre de vin à la main, sur une terrasse. Certains prennent en photo leur verre de vin avec ces trucs au fond, les Cuernos, et l'envoient aussitôt sur Facebook... et oui, moyennant une petite somme, vous avez accès au WiFi! Une petite gymnastique intellectuelle nous est alors nécessaire pour se rappeler que nous ne sommes pas à Ibiza mais bien dans un parc national situé en Patagonie! Par curiosité, nous regardons les prix du refuge, ils se font toujours autant plaisir : environ 75 euros la nuit... 

La presque Méditerranée


Dis donc, c'est la grosse ambiance!

La quatrième journée, nous continuons à longer le lac, un vrai délice pour les yeux. Puis, nous attaquons la vallée menant aux stars du parcs, les Torre del Paine, ces grandes tours de granite qui ont donné leur nom au parc. Nous arrivons au camping assez tôt mais l'idée d'affronter la montée d'une heure menant aux tours nous décourage d'avance.

Les Cuernos? Encore elles, parce qu'elles le valent bien!




Nous gardons donc ce plaisir pour le lendemain. Levés à 4h30, nous avons pour projet de voir les tours sous les couleurs du soleil levant. Comme promis, les tours sont magnifiques! Et nous jouissons de ce privilège de ne pas les voir cachées dans les nuages. En revanche, le soleil se montre plus timide... tant pis pour les belles lumières dorées.



En définitive, ce parc est un concentré de beautés naturelles. Un glacier, de belles montagnes, de si beaux lacs en si peu de distance, c'est exceptionnel! Mais, et vous avez dû le ressentir en lisant notre article, nous sommes un peu déçus. Qu'attendions-nous exactement? La réponse est dans ce que nous avons vu en sortant du parc, des montagnes plus sauvages, des steppes infinies, des guanacos, des nandous, peu de monde, moins d'abrutis qui ne font pas l'effort d'apprécier la nature... la Patagonie quoi!
 

3 commentaires:

  1. Au moins votre tente était différente des autres sinon en plus vous auriez pu y retrouver du monde dedans !!
    En tout cas les paysages donnent envie d'aller y jeter un œil dans ce coin du bout du monde...

    RépondreSupprimer
  2. Notre tente était si différente que personne n'aurait eu envie d'y entrer, on était donc tranquilles, bien au froid ! C'est vrai qu'on a un peu râlé du fait de la surfréquentation, mais c'était quand même très beau!
    Et de deux commentaires ! ;-)

    RépondreSupprimer